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Manuel Álvarez Bravo, 'Un photographe aux aguets'

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Time Out dit

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Les œuvres de Manuel Álvarez Bravo (1992-2002) ont souvent été réduites, à tort, à du surréalisme sauce mexicaine ou à des adaptations loufoques des avant-gardes européennes. Un a priori que l’exposition du Jeu de Paume cherche à déboulonner, en révélant, dans un parcours un peu décousu, toute la singularité d’un langage développé au cours de quatre-vingts ans de carrière. Si les années 1920 sont pour lui dominées par l'abstraction du constructivisme - dont il conservera toute sa vie le sens de la composition -, Álvarez Bravo trouve rapidement sa propre voie. Eugène Atget et ses vues d'un Paris transfiguré par la modernité au début de siècle agissent comme un déclic.

Comptable le jour, artiste la nuit, Álvarez Bravo commence alors à s'intéresser au centre-ville de Mexico. Son objectif, à l’affût des détails saugrenus de la vie urbaine, se met à transformer tout ce qu'il observe en une matière malléable, pleine de poésie. Le Mexicain part à la chasse aux animaux artificiels cachés dans les recoins de la ville, piste les mannequins de carton plus vrais que nature, capture une ombre décapitée au milieu d'un feu d'artifice. Bravo arpente un territoire infini : celui de l'entre-deux, espace flottant et incertain où réalisme et onirisme s'entrelacent.

Amateur de cinéma et grand admirateur d'Eisenstein, il tente de s'affranchir de l’image statique en cherchant à mettre la photographie en mouvement, comme l'illustrent les montages de Super-8 disseminés dans l'exposition. Une énergie qui traverse ses tirages, et se nourrit aussi d'un dialogue constant entre le cliché et son titre. En parlant de "fable" ou de "conte" pour décrire des scènes réalistes, Álvarez Bravo glisse vers le registre de la fiction. A l'inverse, certains clichés incongrus portent un titre prosaïque qui souligne leur ambiguïté : deux silhouettes qu'on dirait sorties d'un film de SF sont simplement des 'Travailleurs du feu' ; un homme caché sous une cagoule inquiétante n’a droit qu’à un énigmatique 'Avec une capuche, l'opération'.

Manuel Álvarez Bravo capte dans le quotidien une étrangeté, une magie qui n'est pas sans rappeler l'univers littéraire de son compatriote Juan Rulfo, dans lequel vivants et défunts cohabitent. Le photographe semble immortaliser ses sujets dans un moment de rêverie intime, où la mort s'invite dans la vie, comme dans ce 'Portrait posthume' représentant un cadavre desséché. Autant de persistances irréelles d'un Mexique qui, au XXe siècle, délaisse ses coutumes rurales pour plonger dans l'effervescence urbaine de la vie moderne.

Infos

Site Web de l'événement
www.jeudepaume.org/
Adresse
Prix
8,50 €
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