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Carnage

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Carnage
Carnage
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Le nouveau film de Roman Polanski s'apparente à un exercice de style sur les thèmes de l'isolement et de la folie, dont le résultat s'avère un huis-clos fascinant à l'humour caustique et décapant. Adapté de la pièce à succès de Yasmina Reza, ‘Le Dieu du carnage’, le film s'inspire des règles du théâtre classique – unités de lieu, de temps et d'action – et la trame principale du scénario, joute verbale entre deux couples citadins, se nourrit de l’atmosphère quasi-claustrophobe et ultra-spontanée que l'on trouvait déjà sur scène.
 
La mise en scène tourne autour des notions d'émulation, de confrontation. Et Polanski exploite, chez les quatre protagonistes du film – présents à l'écran presque en permanence –, le désir de surenchère qui existe chez tout comédien pour traduire le besoin de chacun des personnages de dominer l'action au sein du chaos qu'ils font naître.
 
Polanski a transposé l'histoire de Paris à New York mais les faits eux n'ont pas bougé d'un pouce : Nancy (Winslet) est une ambitieuse conseillère en gestion de patrimoine immobilier, un peu fade, et son époux Alan (Waltz) est un avocat d’affaires débordé, cloué en permanence à son téléphone portable. Tous deux viennent rendre visite à Pénélope (Foster), auteur humanitariste qui écrit sur le Darfour, et à son mari Michael (Reilly), aimable grossiste en quincaillerie. Le motif de leur visite ? Faire le point sur une bagarre ayant eu lieu entre leurs jeunes fils. Diplomate, chaque couple veut tout d’abord faire preuve de bonne volonté, mais très vite les mots se changent en armes, les préjugés remontent à la surface et la soirée se transforme en un tourbillon de colère, entre vomi, ivrognerie et violence.

Polanski a toujours été un maître dans l'art d’incarner les espaces domestiques, les transformant en personnages à part entière, que ce soient la maison de Catherine Deneuve à South Kensington dans 'Répulsion' ou la forteresse côtière isolée de Pierce Brosnan dans 'The Ghost'. Ici, l'appartement est le cinquième protagoniste, témoin silencieux de la mesquinerie humaine et symbole du choix de vie auquel chaque personnage aspire – ou n'aspire pas.
 
Les génériques sont les seules séquences qui se déroulent à l'extérieur de cette maison de classe moyenne. En guise d'ouverture, nous sommes les témoins de la dispute entre les deux garçons, à l'origine de ce qui va suivre ; l'épilogue, quant à lui, nous montre une autre de leurs rencontres, dont le contenu reste mystérieux. Il se pourrait donc que Polanski fasse ici allusion au générique de fin de 'Caché' de Michael Haneke, dans lequel nous devenions également spectateurs d’un mystérieux échange entre les enfants des deux familles en conflit. Tous deux dressent par ailleurs le portrait de la mentalité petite-bourgeoise ; à cette différence près que Polanski attend des rires, quand Haneke aspire à l'effroi.

Ainsi, 'Carnage' est un cas d'école, ne serait-ce que pour la chorégraphie orchestrée que dansent avec soin nos quatre acteurs dans cet appartement new-yorkais. Si l'on devait toutefois reprocher quelque chose à ce film, ce serait sans doute son dernier tiers, trop maniéré, où l'intrigue paraît abrupte, comparée à l'évolution subtile des rapports et des échanges observée auparavant. L'ivresse excessive et les cris tombent un peu comme un cheveu sur la soupe, et la transformation de la dispute initiale en conflit de genres, lorsque les femmes s'unissent contre leurs hommes – et réciproquement – manque de fluidité et paraît feinte.

Si aucun personnage n'émerge vraiment de ce difficile synopsis, il n'en va pas de même pour les acteurs, et Waltz, en particulier, accapare l'attention avec ses mots d'esprit équivoques, son téléphone omniprésent et son immoralité à peine dissimulée. On lui doit aussi l'une des meilleures vannes du film, s'adressant dans un demi-sourire à Foster, partisane invétérée du progressisme : « Au fait, tu sais, j'ai vu ton amie Jane Fonda à la télé l'autre jour »...

Écrit par Dave Calhoun / trad. Charlotte Barbe
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