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De l’avis d’un ancien critique passé derrière la caméra, le cinéma serait la vérité 24 fois par seconde. A mi-chemin entre fiction et documentaire, ‘La Femme du ferrailleur’ tend à démontrer cette maxime. La dernière création de Danis Tanovic, vainqueur du Grand Prix du jury à Berlin, est un récit reconstitué, filmé comme un combat, caméra au poing. Le cinéaste avoue lui-même que ses années de documentariste s’y retrouvent, et cela se ressent. Ainsi ‘La Femme du ferrailleur’ nous plonge-t-il directement dans la guerre quotidienne que représente une vie en Bosnie-Herzégovine.
L’histoire est celle d’un ferrailleur, Nazif (Nazif Mujic, gratifié pour ce rôle d’un Ours d’argent du meilleur acteur), et de sa femme Senada, dont l’hospitalisation d’urgence se voit refusée, faute d’argent et de couverture sociale. Mais c’est aussi et surtout une histoire d’exclusion, de misère absolue, et de l’entre-aide dans une société de laissés-pour-compte où seule la roublardise permet de s’en sortir. Un tableau sombre, que Danis Tanovic retranscrit avec finesse et réalisme, sans artifice. Les deux personnages à l’écran sont d’ailleurs ceux-là mêmes qui ont vécu le drame, et que le réalisateur place devant sa caméra sans aucune forme de jeu d’acteur.
Filmer ainsi une histoire sur les lieux du drame est un parti pris fort, qui permet à ‘La Femme du ferrailleur’ d’éviter les excès de pathos ou d’apitoiement. Tanovic montre des protagonistes simples, presque dénués de haine quand on pourrait s'attendre à ce qu’ils explosent. Une retenue rare et appréciable, qui rompt avec les tendances actuelles à la surexposition, au vomissement de l’info, des sentiments, du cliffhanger ; bref, de tout ce qui par petites touches fait le grand cinéma, mais qui dans l’excès l'assassine.