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12 Years a Slave

  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
12 Years a Slave
Photograph: Film4/ Fox Searchlight12 Years a Slave
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Le souci principal de ‘Twelve years a slave’, c’est qu’il s’avance avec un gros panneau « chef-d’œuvre » sur le front. Du coup, comme quand un premier de la classe passe au tableau, on l’attend au tournant. Voyez donc : un réalisateur rare – dont ce n’est que le troisième film – à l’esthétique maîtrisée, venu de l’art contemporain avec le bon goût de s’appeler Steve McQueen. Plus un casting creamy deluxe où l’on retrouve son acteur fétiche, Michael Fassbender, aux côtés de Brad Pitt, Benedict Cumberbatch, Paul Dano ou Paul Giamatti. Le tout pour un sujet aussi sérieux que douloureux. Ouh là… vous avez dit « chef-d’œuvre » ?

Bon, en fait, il faut l’avouer : ça marche – même si ‘Twelve years a slave’, fresque d’époque en costumes, paraît moins immédiatement prenante et intime que ‘Shame’, le précédent film de McQueen. Inspiré des écrits de Solomon Northup, musicien new-yorkais noir et libre au XIXe siècle, mis en esclavage pendant douze ans à la suite d’une vilaine arnaque, le film se déroule sans véritable surprise scénaristique. Pourtant, ‘Twelve years a slave’ reste passionnant par le questionnement, assez frontal, qui le fonde.

En effet, loin de la pochade western surestimée d’un ‘Django unchained’ ou de la leçon d’histoire plan-plan du ‘Lincoln’ de Spielberg, le long métrage de McQueen dépasse assez rapidement son sujet historique pour en tirer quelques réflexions profondes sur la nature humaine. De la même manière que ‘Shame’ abordait l’addiction sexuelle pour finalement parler de l’addiction en général, ‘Twelve years a slave’ déborde ainsi de son cadre pour traiter de l’inégalité, de l’exploitation et des classes sociales, au-delà de l’esclavage seul.

Dans le rapport de domination qui fonde la productivité (celle de l’esclave comme celle de l'employé d'usine délocalisée, au fond), quelles stratégies adoptent donc les hommes, de part et d’autre des barrières hiérarchiques qui les séparent ? Voilà ce que creuse le film de McQueen, présentant une grande diversité d’archétypes moraux, du petit chef haineux (Paul Dano, inattendu et balèze) à l’aristocrate au grand cœur (Benedict Cumberbatch), en passant par un Fassbender violent, jaloux et fiévreux ou un Brad Pitt aux courageuses visées humanistes. Mais derrière les numéros d’acteurs, tous assez impeccables, c’est du côté des esclaves que se pose finalement, dans l’ombre, le véritable dilemme : jouer le jeu de l’exploitant – baisser le regard, anticiper ses attentes – ou s’y opposer plus ou moins discrètement (refus d’obtempérer, sabotage…). En deux mots, collaboration ou résistance.

D’ailleurs, contrairement aux rôles d’exploiteurs, les esclaves se voient interprétés par des acteurs aussi peu connus qu’impressionnants, qu’il s’agisse de Chiwetel Ejiofor (dans la peau de Solomon Northup) ou d’une inoubliable Lupita Nyong’o pour son premier rôle au cinéma. Enfin, si ce n’est une surprise, il faut tout de même dire quelques mots du talent de cinéaste de McQueen, capable de plans-séquences d’une intensité exceptionnelle – avec, entre autres, quelques mémorables scènes de gospel ou de torture. Certes, son cinéma reste d’un évident classicisme, auquel on pourrait reprocher une certaine linéarité – et, sans doute aussi, l’agaçante musique de Hans Zimmer. Mais il aura tout de même réalisé, avec ‘Twelve years a slave’, le grand film contemporain sur la question de l’esclavage. Qui, jusqu’ici, manquait manifestement. Et s’apprête désormais à collecter un paquet d’Oscars…

Écrit par A.P.

Détails de la sortie

  • Noté:15
  • Date de sortie:vendredi 10 janvier 2014
  • Durée:134 mins

Crédits

  • Réalisateur:Steve McQueen (ii)
  • Acteurs:
    • Benedict Cumberbatch
    • Brad Pitt
    • Michael Fassbender
    • Paul Dano
    • Paul Giamatti
    • Sarah Paulson
    • Alfre Woodard
    • Michael K. Williams
    • Lupita Nyong'o
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