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25 novembre 1970 : le jour où Mishima choisit son destin

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
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25 novembre 1970 : le jour où mishima choisit son destin
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Mishima et Wakamatsu pourraient être les deux extrémités d’un même Japon. Le premier, écrivain érigé en monument littéraire, se fit le promoteur, après la Seconde Guerre mondiale, d’une idéologie ultranationaliste, prônant un Japon fier et fort, nostalgique du pouvoir impérial. Au point que cet ardent partisan de la remilitarisation de l’archipel monta sa propre organisation paramilitaire, répondant au joli nom de « Société du bouclier ». Le second, ancien yakuza, cinéaste gaucho provocateur, fait des films comme d’autres font la guérilla, teintant ses films de genre de violence et de sexe pour y glisser une critique virulente de la société établie.

Alors, Wakamatsu qui parle de Mishima, ça donne quoi ? Comme son titre l’indique, le film se concentre sur la mort de Yukio Mishima qui, en 1970, se suicide dans la pure tradition nippone – au sabre, et en serrant les dents – après une tentative de coup d’Etat vouée à l’échec. Wakamatsu suit la radicalisation de Mishima, son exaspération face à une société en ébullition, dont le réalisateur souligne les soubresauts à coups d’images d’archives. Le brillant écrivain sombre dans l’extrémisme simpliste, et se transforme en petit chef autoritaire, à la tête d’une bande de gamins imberbes qui l’admirent béatement, lui et son décorum militaire.

Bizarrement, 'Le jour où Mishima choisit son destin' ne ressemble pas complètement à un film de Wakamatsu. L’énergie brute et les idées barrées qui caractérisent habituellement le réalisateur de 'Piscine sans eau' ou de 'La Vierge violente' (et font oublier son manque de moyens financiers) ont laissé place à un rythme monotone, à une mise en scène épurée et à de longs dialogues déclamés avec une solennité parfois trop théâtrale. Le montage, monolithique (qui frise même le ridicule lors de la scène finale), ajoute encore à cette étrange pesanteur.

Pour autant, l’ultime film de Koji Wakamatsu, mort il y a un an, n’est pas un film raté. La réussite de certaines scènes, conjuguée à ce dépouillement ironique (en décalage avec les fantasmes de samouraï de Mishima), finissent par dégager quelque chose d’hypnotique. Wakamatsu arrive à cerner le glissement idéologique de l’auteur de 'Confession d’un masque', et l’ambiguïté d’un esprit brillant, fasciné par l’autorité et le Japon impérial. Après avoir abordé la radicalisation des étudiants de gauche dans 'United Red Army' (2009), Koji Wakamatsu ausculte l’autre versant des années 1970, toujours avec ce souci de fouiller son pays là où ça fait mal.

Écrit par Mikaël Demets
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