Aujourd'hui

A la fois joyeux, subtil, tragique, ‘Aujourd’hui’ est un conte étonnamment puissant, dont l’idée tient pourtant aisément sur une feuille de papier à rouler. Dans un village des environs de Dakar, les dieux – ou les signes, le destin, appelez ça comme vous voudrez – ont parlé : Satché (interprété par le poète-slameur Saul Williams, presque entièrement mutique mais d’une présence physique incroyable) devra mourir à la fin du jour. Jusqu’à la tombée de la nuit, le film va donc suivre ses adieux à son entourage, sa famille, ses amis, son amante, ses enfants, sa femme. Voilà. Le synopsis est tout simple, mais le traitement que lui réserve le réalisateur Alain Gomis se révèle fin et intelligent : d’abord célébré par la communauté avec un enthousiasme teinté de mélancolie, Satché, l’élu appelé à disparaître, se retrouve bientôt pris à parti par ses proches, tour à tour, pour de très belles scènes où cherchent à s’énoncer, pour une unique fois, les non-dits de l’amitié, du désir, de la tristesse, de l’affection ou la rancune. De son côté, Satché écoute, reçoit, pensif, les paroles de ces autres qui lui survivront. Certains sont drôles, d’autres violents, chaque intervention venant compléter les autres comme autant de portraits, ou de manières d’aborder l’existence. Glissant de la vie à la mort, le personnage traverse le film en état de grâce, dans une temporalité que la caméra capte avec profondeur. Où tout finit par le jeu d’un enfant. D’une densité inattendue derrière ses apparences contemplatives, ‘Aujourd’hui’ se révèle ainsi, au final, une fable philosophique ouverte et humble, fine et précieuse, qui mûrit longtemps dans l’esprit du spectateur. C’est fort. Et Saul Williams, acteur, s’avère incroyable.