Recevez Time Out dans votre boite mail

Des jeunes gens mödernes

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Des jeunes gens mödernes
Publicité

Time Out dit

3 sur 5 étoiles

A l'époque où l'on écoutait du grunge en lisant Nova magazine (à vue de nez, ça devait donc se situer vers le milieu ou la fin des années 1990), le rock-critic Yves Adrien avait à peu près tout du parrain dandy qu'on aurait aimé avoir. Surtout, son manifeste ‘Je chante le rock électrique’ (publié par Rock & Folk en 1973) représentait encore pour les amateurs de musique transgressive, à près de vingt-cinq ans de distance, une furieuse incitation aux vertiges soniques et à la sueur. En deux mots, nietzschéen et provocateur, Yves Adrien faisait alors partie – avec feu Alain Pacadis – de ces grands aînés français dont d'apprentis gonzo-journalistes parlaient avec envie, et, avouons-le, une certaine forme d'admiration.

Enfin, on évoque ici un temps où Internet n'existait pas – ou si peu (en 1998, télécharger 'Mutations' de Beck prenait plus de deux heures) : autrement dit, une certaine forme de préhistoire, depuis laquelle on avait légitimement perdu la trace d'Yves Adrien – qui avait d'ailleurs lui-même annoncé sa propre mort en 2001, ressuscitant sous l'ésotérique pseudonyme « 69 » (tout un programme). C'est dire le plaisir (et la grande curiosité) qu'on a à le retrouver aujourd'hui dans ce film de Jérôme de Missolz, produit par Agnès B., où Adrien revient sur les heures de gloire du Palace, au début des années 1980, en compagnie des jeunes hipsters de la revue Entrisme, ou de quelques-uns de ses partenaires rescapés de l'époque (ce qui donne notamment lieu à une scène très simple et belle, sans doute la plus émouvante du film, avec la chanteuse Lio – qui, avant de compter les prunes de la "Nouvelle Star", était une pétillante punkette qu'on retrouvait dans des films de Chantal Akerman).

Or, il faut noter que l'intelligence du film de Missolz, et d'une certaine manière sa réussite, c'est de tenir coûte que coûte à conserver la fraîcheur je-m'en-foutiste, low-fi et improvisée consubstantielle au rock, aux nuits parisiennes et à l'abus de psychotropes dont il est question dans son film. Comme on peut s'y attendre, c'est aussi sa limite. Reconnue, acceptée, revendiquée presque. Un vrai film rock'n'roll, donc. C'est-à-dire bancal, étrange, parfois déchiré, et d'une nostalgie sourde. Celle de l'électricité, de la crasse et des machines, avant le tout-numérique – ah ! Holy motors

Écrit par Alex Prouvèze
Publicité
Vous aimerez aussi