Drive

On l'a tant répété qu'il s'agit presque d'un lieu commun… mais tout de même, c'est un comble que le film noir soit issu d'un des endroits les plus ensoleillés du monde: la Californie ! Pourtant, alors que les pionniers de ce courant se sont donné beaucoup de mal pour dissimuler la beauté solaire de leur environnement, dès la fin des années 60 certains cinéastes se sont emparé des poncifs du genre - sombres héros, bandits armés jusqu'aux dents, demoiselles en détresse - pour les exposer en pleine lumière, rendant instantanément le film noir plus brillant, plus saisissant et, paradoxalement, beaucoup plus froid.

Sans même mentionner les clichés de base du polar, les monstres sacrés du film noir hollywoodien partagent des caractéristiques communes : leurs films se nourrissent de la ville où ils sont tournés, faite de surfaces étincelantes (autoroutes à six voies, gigantesques décharges industrielles, expansion urbaine et banlieues à perte de vue...), une ville où le crime est aussi crasseux que médiocre, emportant des âmes en peine, solitaires et futiles, sans espoir, prises au piège de despotes imprévisibles tirés à quatre épingles.

C'est donc au beau milieu de cet univers que se trouve plongé le mutique héros de 'Drive', réminiscence subtile, habilement orchestrée par Nicolas Winding Refn sur fond de synthés rutilants. Ryan Gosling y interprète un conducteur anonyme, chauffeur occasionnel de voitures en fuite, dont la vie bascule le jour où son chemin croise celui d'Irène (Carey Mulligan), une mère de famille en difficulté dont le mari croupit en prison...

Comme tout l’indique, il s'agit d'un film construit sur la familiarité, que ce soit sur le fond ou sur la forme : les éclairs des néons, les crissements de pneus, Gosling qui rumine pendant que Mulligan se pâme, sans oublier le trio d'acteurs de genre – Albert Brooks, Ron Perlman et Bryan Cranston – sur-apprêtés et tordants, qui apportent à la fois légèreté, désinvolture et tension dramatique.

Mais 'Drive' ne traîne jamais en longueur, et constitue une réflexion tout à fait bienvenue sur les images du passé, comme la reprise en version électro d'un ancien classique qui reste en tête, mais dopé par les battements d’un tempo contemporain. Évidemment, tout ça manque parfois un peu de profondeur ; mais qu'à cela ne tienne, 'Drive' reste un film absolument irrésistible, rondement mené, et éblouissant.