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La Vie domestique

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
La Vie domestique - Emmanuelle Devos
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Inspiré d'un roman de Rachel Cusk (‘Arlington Park’), ce film d’Isabelle Czajka n’est pas non plus sans évoquer la ‘Mrs. Dalloway’ de Virginia Woolf, notamment à travers son ton et sa temporalité : suivant vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Juliette (Emmanuelle Devos), la quarantaine, dans une banlieue résidentielle de la région parisienne. Entre son mari (Laurent Poitrenaux), ses enfants, les autres parents d’élèves ou des adolescentes en difficulté qu’elle tente d’initier, tant bien que mal, à la littérature… Journée un peu particulière tout de même, puisque Juliette espère obtenir un entretien avec un éditeur pour un travail. En attendant, elle se sent à l'étroit, bloquée entre les courses, le ménage, la cuisine, le ramassage scolaire ; bref, cette « vie domestique » dans laquelle elle voit les mères de famille qui l’entourent (Julie Ferrier, Natacha Régnier, Helena Noguerra) s’enfoncer irrémédiablement. Et dont Juliette, elle, ne parvient pas à être dupe.

Bon, ça a l’air tout simple – et, d’une certaine manière, ça l’est effectivement. Pourtant, par touches légères, sans grand discours, Isabelle Czajka parvient à mettre en place un dispositif narratif assez fort : psycho-sociologie de la petite bourgeoisie contemporaine, ‘La Vie domestique’ rappelle alors parfois ‘La Vie, Mode d’emploi’ de Perec, comme une étude de mœurs assez finaude, où le carcan qui pèse sur la femme au foyer (la fameuse « ménagère de moins de 50 ans ») se retrouve mis au jour par un ensemble de micro-événements significatifs, et souvent bien vus. Entre humiliation larvée, sens du devoir et bribes de désirs avortés. Surtout, grâce à sa temporalité ramassée et à la justesse du jeu d’Emmanuelle Devos (comme toujours impeccable), le film évite habilement l’écueil du symbole trop lourd, du jugement moral ou de la critique facile. Avec une ironie douce, ‘La Vie domestique’ préfère scruter passionnément les détails d’un quotidien a priori fade, pour en révéler la substance et l’incertitude fondamentale. Et réussir à renvoyer assez subtilement le spectateur à lui-même – surtout s'il a entre 30 et 40 ans. Un film à voir, donc, et qui, sociologiquement, dépasse quand même largement Vincent Delerm. Ceci dit, les mères de famille ont-elles encore le temps d’aller au cinéma ?

Écrit par Alexandre Prouvèze
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