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Les Adoptés

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Time Out dit

Bon, Mélanie Laurent a au moins une évidente qualité : elle provoque la critique. Et peut-être faut-il partir de là pour comprendre l'agacement qu'elle suscite. D'ailleurs, on se souvient peut-être d’une interview pour le journal Le Berry, où elle contestait les remarques faites à son disque, et semblait mélanger journalisme, presse people, téléréalité et, éventuellement, une once de paranoïa. Ce qui donnait des trucs du style : « J’aime / j’aime pas, mais tu es qui pour venir déferler toute ta haine ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie !? »

Certes, on s'en fout. Seulement, miss Hypnotic Poison de Dior en remet une couche dans son premier film, 'Les Adoptés', à travers son unique personnage masculin, le lourdaud Alex, critique culinaire – c’est-à-dire, explique-t-on, « cuisinier raté » – incapable de lire le mot « stratosphérique ». Certes, c’est un détail. Mais ça titille quand même. Et on a un peu l'impression que Mélanie Laurent tend la verge pour se faire battre... ce qui ne manque pas d'être tentant, avouez. D’autant que son film laisse entendre qu'elle se méprend quand même assez dans ce qu’elle croit être le (mauvais) rôle de la fonction critique. Et puis, on a bien le droit de ne pas aimer les bons sentiments, non ?

Bref, c’est certainement un débat daté et je dois être passablement aigri, mais le fait est que 'Les Adoptés' manque bien cruellement d’autocritique. Et qu’à tout se permettre, sa naïveté paraît immense : les dialogues sont longs, sans relief, mis au service d’une réalisation complaisante et prétendue branchée parce qu’elle parvient à compiler correctement quelques clichés du ciné indé américain. Encore que ça n’ait pas grande importance. Certains trouveront ça émouvant, d’autres risible. Comme d’habitude.

Alors disons que la seule vraie question du film serait celle de son style, de l’audace, de la surprise. Ou ici, plutôt, de leur absence. Bien sûr : la création doit être « libre », n'est-ce pas ? Et s’il plaît à Mélanie Laurent de minauder sur un scénario larmoyant (avec, au centre, l’histoire de cette sœur, Marie, tombée dans le coma enceinte – plus pathos tu meurs), on ne va pas l’en empêcher… Mais la fameuse « liberté de l’artiste » ne consisterait-elle pas précisément à proposer autre chose que ce film familial totalement prévisible, où tout le monde nage indécemment dans le fric (personne ne travaille vraiment, Clémentine Célarié boit du champagne non stop), en se regardant le nombril ?

Evidemment, parenthèse : il y a des films nombrilistes très réussis et 'La Maman et la Putain' a pu déclencher jadis des orgasmes cinéphiles… seulement là, on en est loin ! Encore que 'Les Adoptés' n’ait rien à voir non plus avec le film de Christian Clavier, c’est entendu. Mais il n’en reste pas moins lisse, facile, et surtout, il sonne souvent faux. Un exemple : la déclaration d’amour d’Alex à Marie, surjouée avec un lyrisme de VRP et qui semble écrite par un puceau paresseux sur MSN. C’est-à-dire que trop de clichés finissent par tuer toute possibilité expressive. A un moment, ça ne passe plus : non que les critiques soient tous de gros nazis, mais simplement parce que tout est trop superficiel. Sans distance ni ironie. Et le spectateur a vaguement l’impression qu’on se fiche de lui avec ces situations purement conventionnelles, voire pire : que le film pourrait se réduire au book d’un mannequin qui chantonne, agrémenté de quelques anecdotes.

Ainsi même si ça n'intéresse personne, on aimerait faire remarquer à la jeune comédienne-chanteuse-scénariste-égérie-et-désormais-réalisatrice que, déjà, la fonction critique ne se réduit pas au journalisme (et d’ailleurs : quel journalisme ?), qu’elle n’a absolument rien à voir avec les people, mais surtout qu’elle constitue une part essentielle de l’activité créatrice ! Est-il besoin d’insister là-dessus ? Nombreux sont ceux qui ont glosé le sujet, à commencer par ce vieux Baudelaire, dont on pourrait conseiller à Mélanie Laurent – qui truffe elle aussi son film d’allusions culturelles, de Carver à Chopin, alors allons-y – la lecture du 'Salon de 1846' (en particulier ce savoureux passage : A quoi bon la critique ?). Sinon, Roland Barthes en a plus ou moins fait une discipline, il paraît.

Alors, vu de récentes unes de magazines et la façon dont Valérie Donzelli a été portée aux nues pour son film un peu guimauve ('La guerre est déclarée'), faut-il s’attendre à un déferlement d’enthousiasme pour ce long métrage tendance creux ? Pour le moment, en bon raté de journaleux, on se contentera de regretter que la jolie Mélanie Laurent, avec les moyens dont elle dispose, se satisfasse de rentrer si sagement dans le rang des nymphettes insouciantes pour films du dimanche soir… ou de devenir une marque, une tête de gondole labelisée artiste, une couverture idéale du Figaro Madame… Enfin, vous voyez, quoi.

Écrit par A.P
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