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Les Misérables

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Les Misérables
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Time Out dit

Prenons le parti, sur quelques lignes, de défendre cette comédie musicale, registre si atrocement niais que même Gad Elmaleh l’a pris en grippe. Ambitieux, ces ‘Misérables’ le sont assurément : adaptées du musical de Broadway – et non pas du roman de Victor Hugo –, ce sont presque trois heures de film, tournées majoritairement en France, dans des décors naturels. Mais surtout, trois heures de chansons enregistrées en direct, plutôt qu’en studio : pari impressionnant pour un genre plutôt habitué au playback. Alors, c’est parfois faux. Les performances, entre deux reniflements, respirations saccadées ou autres sanglots étouffés, perdent un peu en fluidité. Mais on apprécie l’effort de réalisme.

Le problème, c’est que malgré ce parti pris admirable, le charme n’opère pas. La faute à Tom Hooper, qui pour son troisième long métrage a fait un choix de réalisation pour le moins expérimental, avec des plans si resserrés qu’on peut presque voir les cordes vocales de nos chanteurs. Bien sûr, les décors sont majestueux, le maquillage expert et la photographie léchée. Mais Hooper étouffe ses acteurs, et nous avec. Il en fait trop, surchargeant ses scènes de symbolisme outrancier, avec des pirouettes de caméra et des angles si saugrenus qu’on imagine le cadreur, doué d’une agilité spidermanienne, dégobiller après chaque prise. Enfin le plus misérable, dans l’histoire, c’est quand même Russell Crowe – le pauvre –, qui chante comme s’il avait un régiment de baïonnettes plantées dans l’arrière-train.

Bref, malgré quelques jolies performances (Eddie Redmayne et Samantha Barks dans les rôles de Marius et Eponine), et les intervalles comiques assurés par les Thénardier (le duo Sacha Baron Cohen-Helena Bonham Carter), on s’ennuie ferme. Mais chaque règle a son exception, et celle des ‘Misérables’ s’appelle Anne Hathaway. La jeune actrice touche au sublime, dans un plan-séquence de quatre petites minutes qui justifie à lui tout seul d’aller voir le film. Amaigrie, le crâne pratiquement rasé, elle interprète “I Dreamed a Dream”, la chanson de Fantine – qu’on connaît principalement en Europe pour avoir été chantée par Susan Boyle. Là où toutes les autres performances sont grandiloquentes, putassières et vides d’émotion, celle-ci se révèle intime, bouleversante, essentielle. Anne Hathaway livre la plus belle scène du film – et de sa carrière. L’Oscar lui appartient.

Écrit par Anaïs Bordages
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