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Les Salauds

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Les Salauds - Lola Creton
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

D'une noirceur inattendue, le nouveau film de Claire Denis ressemble à un défi narratif : parvenir à retranscrire une histoire atroce, glauque comme pas possible, avec un tact et une sobriété hallucinants. On vous aura prévenus, le thème des ‘Salauds’ n’a rien à envier à ‘Festen’ : viol d’une jeune fille (Lola Creton), inceste, prostitution, suicide... voilà qui aurait de quoi décontenancer jusqu’au thuriféraire le plus hardcore de Gaspar Noé.

Sauf qu’on n’en voit presque rien, et que c’est par touches légères, impressionnistes, et à travers le biais de personnage extérieurs – en particulier l'oncle de la jeune fille (Vincent Lindon) – que nous apprenons toutes ces horreurs. D’une structure éclatée, aux lambeaux flottants, qui n’est pas sans évoquer les romans de Faulkner (en particulier 'Sanctuaire'), la narration de Claire Denis se révèle aussi délicate que son propos paraît violent. Suivant des chemins de traverse, elle préfère ainsi s’attarder sur la relation torride de Lindon avec sa voisine du dessous (Chiara Mastroianni), ou se focaliser sur des personnages secondaires – parmi lesquels on retrouve Michel Subor, Alex Descas ou Grégoire Colin. On avance d’abord sans comprendre, et ce n’est que par des détails que les pièces du puzzle s’assemblent, avec une violence mutique.

Au final, ‘Les Salauds’ laisse interdit, remué et un tantinet perplexe... Réalisé avec très peu de moyens, en numérique et en à peine plus de deux mois (bref, à l’opposé des méthodes de travail habituelles de la réalisatrice), le film ressemble à un cauchemar,  qui s’obstine à scruter avec une infinie douceur l'horreur vertigineuse de l'âme humaine. Aux antipodes de la maestria solaire de ‘Beau travail’, il en désappointera sans doute certains. Pourtant, ‘Les Salauds’ reste un film comme on en rencontre peu, visuellement puissant et psychologiquement audacieux. Douloureux et décharné. Pas évident, en somme. Mais qui mérite obscurément d’être vu.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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