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Mr. Turner

  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Mr Turner
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

A deux reprises (d'abord avec ‘Topsy-Turvy', puis avec' Vera Drake’), Mike Leigh avait déjà ponctué ses études douces-amères de la vie contemporaine par des drames d'époque. Aujourd’hui, avec ‘Mr. Turner’, le réalisateur britannique de ‘Naked’  et ‘Secrets et mensonges’ nous ramène au XIXe siècle et aux dernières années du célèbre peintre Joseph Mallord William Turner (1775-1851). Entre mélancolie et enthousiasme, son film dresse un portrait merveilleusement riche d’un artiste complexe et souvent contradictoire.

Timothy Spall, un vétéran des films de Leigh, incarne ce Londonien excentrique, acariâtre, bougon et déterminé. Grognant et grimaçant, son Turner tâtonne pour trouver sa voie à travers l’existence. Leigh, quant à lui, explore la vie du peintre avec une fascination intense et contagieuse pour cet homme, son travail, son temps et son inéluctable marche vers la mort.

Nous observons ainsi tour à tour la sympathie de Turner pour son vieux père, sa relation sensuelle avec sa douce femme de ménage (Dorothy Atkinson), son rejet de ses enfants et leur mère, sa relation tardive avec une veuve (Marion Bailey) et les moqueries de la foule quand son travail se tourne vers l’expérimentation. Un « désordre jaune », conclut même la reine Victoria lors d'une exposition. Surtout, la mort plane lourdement sur ‘Mr. Turner’, qui couvre environ 25 ans de la vie du peintre, à travers un patchwork brillamment chorégraphié. Teinté de regret et de nostalgie, le film évoque également quelques grands moments de joie, parfois portés par un humour féroce.

Tout cela se révèle vite passionnant et évocateur, inhabituel et séduisant. Mais ce qui rend ‘Mr. Turner’ doublement fascinant est le profond mystère qui le hante : qu’est-ce qui définit la relation de l'artiste avec son sujet ? Cela peut-il être expliqué ? Peut-on tracer une ligne de démarcation entre un créateur et son travail ? A ces impossibles questions, Leigh répond en ouvrant quelques pistes de réflexion, esquissant des liens affectifs entre Turner et les lieux (ou, parfois, les personnes) qu'il peint : lorsqu'il éclate en sanglots en esquissant le portrait d’une jeune prostituée ou qu'il s'attache au mât d'un navire sous une pluie battante.

‘Mr. Turner’ fut un projet longtemps caressé par Mike Leigh. Et il est impossible de ne pas assimiler les idées développées par ce film, sur le travail et la vie en tant qu'artiste, à l'existence du cinéaste lui-même. Ou comment concilier travail artistique et vie personnelle, comment négocier sa création, peser sur le travail de ses contemporains, tolérer les critiques ou intellectualiser son œuvre ?

Non seulement nous nous retrouvons face à une perspective vive, surprenante et émouvante sur l’artiste et son œuvre, mais Leigh nous offre également une vue imprenable sur la ville de Londres et sur l’Angleterre à l'aube de l'ère moderne, avec le portrait d'un homme intimidé et dépassé par les technologies de l’époque, telles que la photographie et les chemins de fer. Comme toujours avec Mike Leigh, ‘Mr. Turner’ traite les questions de fond par des instantanés fugaces et délicats. Jusqu’à aboutir à ce long métrage extraordinaire, tout à la fois étrange, divertissant, songeur et passionnant.

Écrit par Dave Calhoun (trad. AP)

Détails de la sortie

  • Date de sortie:vendredi 31 octobre 2014
  • Durée:149 mins

Crédits

  • Réalisateur:Mike Leigh
  • Scénariste:Mike Leigh
  • Acteurs:
    • Timothy Spall
    • Marion Bailey
    • Dorothy Atkinson
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