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Que ta joie demeure

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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Que ta joie demeure
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Un an après une angoissante fiction à l’humour noir et cruel (‘Vic+Flo ont vu un ours’), Denis Côté revient avec un documentaire dans la veine de son surprenant ‘Bestiaire’ de 2012. Sauf qu’ici, le parc zoologique a cédé la place à des usines, et les animaux aux machines. Evidemment, le parti pris semble risqué et le film, a priori, assez peu avenant. Mais le cinéaste canadien s’en tire très joliment en scindant thématiquement son film en deux.

Après un court prologue entre second degré et sadomasochisme latent, nous pénétrons ainsi dans le royaume de la mécanique industrielle : esthétique paradoxale et chorégraphie de pistons, de boulons, de moteurs, filmés comme d’hypnotiques abstractions. Le travail sur le son, véritable symphonie bruitiste aux rythmiques implacables, contribue d’ailleurs à rendre passionnants ces plans fixes et quelques lents travellings sur le ballet de la fonte ou des métiers à tisser.

Ensuite, l’être humain entre en scène. D’abord discrètement, puis avec une théâtralité distanciée mais de plus en plus présente, jouant sur l’absurdité répétitive des gestes et du labeur quotidien. Alors, un ouvrier rompt son activité à la manière de ‘Bartleby, le scribe’ de Melville, une petite fille pose en souriant derrière un tapis roulant, une jeune femme ignorée de tous réclame en vain du travail, un gamin se met à jouer un morceau de Bach au violon… Reprenant certains thèmes et clichés du monde du travail ou de l’industrie, Denis Côté les disloque en des dialogues où se mêlent indistinctement critique sociale et humour pince-sans-rire.

Relativement court (1h10) et tourné en peu de temps avec une nette frugalité de moyens, ‘Que ta joie demeure’ n’en reste pas moins une expérience de cinéma à la fois profonde et curieusement légère, douée d’une poésie très personnelle et inattendue, sur un thème pourtant rabâché mille fois par le cinéma documentaire. Un film humble, simple et malin, qui n’explosera sans doute pas le box-office, mais ravira très certainement les amateurs d’étrangetés filmiques et du singulier Denis Côté.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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