Sirat
Photograph: Quim Vives

Critique

Sirât

5 sur 5 étoiles
Une sorte d’Homme qui voulait savoir à Burning Man, un thriller entre rave et cauchemar
  • Cinéma
  • Recommandé
John Bleasdale
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Time Out dit

Une rave en plein désert. La musique martèle, distordant les enceintes sous le cagnard. Des gens dansent comme des damnés. Certains comme s’ils posaient des questions ; d’autres comme s’ils y répondaient. Certains, furieux ; d’autres, extatiques. Tous épuisés, vieux, parfois estropiés, semblant en free party depuis 25 ans. Une sorte de Burning Man, mais en version cramée, oubliée sur les braises de la scène électro des années 90.

Parmi eux erre Luis (Sergi López), distribuant des tracts avec son jeune fils Esteban, à la recherche de sa fille, censée être dans la région. Lorsqu’une crise internationale pousse l’armée à commencer à rassembler les ressortissants étrangers de la fête, une caravane hétéroclite se détache du convoi et part dans les montagnes à la recherche d’une nouvelle rave. Luis et Esteban les suivent. Sans savoir où ils vont, ils vont avoir une surprise. Et nous aussi.

Tout ce que vous devez savoir, c’est que les rebondissements du film du réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe ressemblent aux lacets d’une route de montagne. Pour certains, le vertige sera trop fort.

La rencontre sous psilo du Salaire de la Peur et de L'Homme qui voulaire savoir

Le film débute comme ces comédies de situation où un personnage se retrouve plongé dans un univers étranger : Luis, issu de la classe moyenne, se voit contraint de faire alliance avec ces marginaux tatoués et complètement perchés, seuls capables de lui indiquer le chemin. La tendresse de la relation entre Luis et Esteban fait écho à cette famille recomposée d’exclus et de marginaux, interprétés presque exclusivement par des acteurs débutants. Les liens entre les personnages ne sont pas toujours clairs, mais Stefania Gadda joue la matriarche du groupe et Jade Oukid, la bricoleuse qui répare les enceintes d’où sort la bande originale saturée signée du producteur berlinois Kangding Ray.

Après Mimosas, tourné aussi au Maroc, Laxe démontre à nouveau son talent pour filmer la beauté surnaturelle des paysages désertiques et montagneux. Le directeur de la photographie Mauro Herce confère au film une atmosphère à mi-chemin entre le western — La Prisonnière du désert, peut-être — et la science-fiction, bien chargée en Mad Max: Fury Road. Sans oublier, en toile de fond, ce contexte politique inquiétant que les personnages ignorent à leurs risques et périls. Ce film prouve d’ailleurs bien que l’apocalypse peut se résumer au quotidien du tiers-monde imposé à des Occidentaux !

Accrochez-vous pour suivre les virages radicaux de sa seconde moitié, mais si vous êtes prêt pour ce voyage, Sirât, sorte de mélange sous psilo de Le Salaire de la peur et de L'Homme qui voulait savoir, s’avère très original, étonnamment drôle et franchement troublant.

Sirât a été présenté en avant-première au Festival de Cannes.

Crédits

  • Réalisateur:Oliver Laxe
  • Scénariste:Oliver Laxe, Santiago Fillol
  • Acteurs:
    • Sergi López
    • Bruno Núñez Arjona
    • Richard Bellamy
    • Stefania Gadda
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