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Sur la planche

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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Sur la planche
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Décortiquer des crevettes n’est assurément pas l’occupation préférée d’une adolescente d’aujourd’hui. Naturel alors que Badia, Imane, Nawal et Asma, jeunes Tangéroises désargentées, rêvent d’une autre vie. D’une existence extraite des néons fluorescents et de l’odeur des fruits de mer. Pour ce faire, le quatuor bondit d’une petite arnaque à un vol sans envergure, créant de minces opportunités d’amonceler quelques dirhams en plus. «Je ne vole pas, je me rembourse. Je ne cambriole pas, je récupère. Je ne trafique pas, je commerce. Je ne me prostitue pas, je m’invite. Je suis déjà ce que je serai. Je suis juste en avance sur la vérité, la mienne », lance Badia, personnage principal à la présence âpre et au débit rocailleux.

Tanger la nuit, rincée par la pluie ; Tanger le jour, sous la lumière acide des tubes luminescents. Et au milieu ces filles perdues, filmées en cadre serré comme si la jeune réalisatrice Leïla Kilani voulait cueillir leurs émotions avant qu’elles ne soient, elles aussi, décortiquées. Tel un aigle à deux têtes, le long métrage voyage entre la noirceur du polar et l’extrême pugnacité du documentaire ; laissant parfois l’image se promener seule dans les ruelles masculines du port. Et quel paysage ! Loin de l’image d’Epinal du port au coucher du soleil, le Tanger d’Eric Devin (directeur de la photo) se révèle acrimonieux, puissant et tentaculaire. Ville portuaire assommée par une chape de plomb, qui oblige ses habitantes à se frotter les joues de citron pour en chasser les odeurs. Alors, malgré quelques scènes qui s’étirent en longueur, le premier film de Leïla Kilani blesse, agrippe et hante. On ressort de l’obscurité avec la sensation, nous aussi, d’être sur la planche, à quelques mètres du vide.

Écrit par Elsa Pereira
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