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Tu seras sumo

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Fin, habillé à l’occidentale, les cheveux passés au gel : Tokuya Ogushi n’est pas précisément conforme à l’image que l’on se fait d’un sumotori. Et pour cause, lui se rêvait plutôt judoka. Mais son père en a décidé autrement : il quittera donc sa famille, ses amis et sa région (l’île d’Hokkaido) pour s’installer à Tokyo et intégrer l’écurie Oshima. A travers le portrait de cet adolescent de 18 ans confronté à son destin, Jill Coulon nous invite à observer et découvrir une pratique née au VIIIe siècle et toujours vivace dans l’archipel ; un peu comme si le Japon abritait simultanément deux espaces-temps, celui de la tradition et celui des avancées technologiques les plus futuristes. Le spectateur découvre alors, à la suite de Tokuya, les usages et nombreux rituels entourant le sumo : codes vestimentaires, repas massifs et ultra protéinés, rang et discipline au sein de l’écurie.

L’approche privilégiée par la réalisatrice, plus sensible qu’explicative, plonge le spectateur dans une atmosphère cotonneuse, entre des séquences très esthétiques montrant les entraînements, des images sans fard des rues japonaises et des scènes plus triviales ou burlesques du quotidien des sumotoris – le tout enveloppé dans une BO réussie, signée dDamage. ‘Tu seras sumo’ n’est donc pas un documentaire technique ou historique sur le sumotori. Il s’agit surtout de voir comment un adolescent, en passe de devenir adulte après une métamorphose physique radicale, va prendre en main son destin. Discret et appliqué, Tokuya ne parle presque pas à l’écran, mais évoque sa nouvelle vie en voix-off, comme dans un journal intime, lors d’entretiens réalisés par la réalisatrice ou de conversations téléphoniques avec sa sœur.

Quant à la caméra, pudique et jamais intrusive, elle répond à la proverbiale réserve japonaise et parvient à s’installer doucement dans l’intimité de ces sportifs de poids. Ces étranges créatures, aux airs de demi-dieux, prennent au fil des semaines et des mois un visage plus humain, et l’on s’étonne à trouver dans leur quotidien une forme de routine, de banalité, voire de lassitude. Le travail de Jill Coulon rappelle alors celui de Frederick Wiseman sur ‘Boxing Gym’, où le documentariste s’attachait à dresser un portrait des Etats-Unis dans leur complexité, en prenant comme laboratoire une salle de boxe. Entre intensité et relâchements se dessinent ainsi les contours d’une société, à travers un aspect singulier qui pourrait faire figure d’exception. A ce régime-là, ces 83 minutes paraissent presque un peu maigres ; et l’on demanderait bien du rab.

Écrit par Nicolas Hecht
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