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Voyage en Italie

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Voyage en Italie
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Sorti en catimini en 1954, le film de Rossellini, encensé à l’époque par Truffaut et Rivette dans les Cahiers du cinéma, est rapidement devenu un classique relativement discret, dont on ne peut que saluer la reprise, plus d’un demi-siècle plus tard. Car effectivement, ‘Voyage en Italie’ ressemble bien au coup d’envoi d’une modernité qui, dans son approche, aura autant influencé la Nouvelle Vague (Godard et Rohmer, pour lesquels ça crève les yeux) qu’anticipé le cinéma d’Antonioni, Wenders ou Cassavetes.

La raison en est simple : grand manitou du néo-réalisme italien depuis le milieu des années 1940, Rossellini trouve avec ‘Voyage en Italie’ un équilibre aussi audacieux que réussi entre écriture et improvisation, fiction romanesque – en l’occurrence, celle d’un drame sentimental – et approche documentaire de la réalité. Le synopsis est désarmant : Alexander (George Sanders) et Katherine (Ingrid Bergman), couple de touristes anglais, se rendent compte, à leur arrivée en vacances à Naples, qu’ils ne s’aiment plus. Elle, romantique, a un touchant petit côté Madame Bovary ; lui, viril et prosaïque, ferait plutôt penser à Don Draper. Autant dire, c’est la crise.

Mais derrière cette idée simple, c’est l’intelligence de la réalisation de Rossellini qui laisse songeur, juxtaposant de véritables séquences de voyage (paysages, scènes de rue, fouilles archéologiques, visites au musée…) à son intrigue principale. Et il suffit souvent de simples champs-contrechamps pour que cette dualité du film prenne toute sa cohérence. Surtout, elle offre à Rossellini et à l’imaginaire du spectateur une liberté rare, ouvrant les modes de narration habituels à une temporalité inédite (que ‘L’Avventura’, manifeste esthétique d’Antonioni, systématisera en 1960), faite de latences, d’hésitations, de dérives, gagnant ainsi en vérité ce qu’il perd en prévisibilité scénaristique. Si bien que les touristes du film, incarnés par Sanders et Bergman, finissent par apparaître effectivement comme des touristes : décentrés, perdus, à côté de la plaque. Comme peut l’être l’inutile lourdeur d’un scénario face à la beauté nue du réel. Bref, une vraie leçon de cinéma, qui, malgré son côté old school, n’a rien perdu de sa pertinence.

A noter que ce film fait partie de notre collection des meilleurs films d'amour de l'histoire du cinéma : à découvrir ici.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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