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4h44 Dernier jour sur terre

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
4h44 Dernier jour sur terre (2011)
4h44 Dernier jour sur terre (2011)
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Il ne se passera rien, il ne s’est rien passé, ce vendredi 21 décembre 2012. C’est peut-être ça le pire : passés le fantasme, la pulsion de mort, l’hystérie collective, certains s(er)ont bien désemparés. Il leur faudra pourtant continuer à vivre dans « ce monde fini qui n’en finit pas », comme l’écrit Pacôme Thiellement ou le dit l’un des personnages du dernier long métrage d’Abel Ferrara.

Si la précédente fiction du réalisateur new-yorkais, Go Go Tales, nous avait plutôt laissés de marbre, ce 4h44 s’en tire honorablement. D’abord parce que l’idée de nous faire vivre la « fin du monde » à travers les dernières heures d’un couple dans son loft de Manhattan se révèle plutôt séduisante. Ces deux artistes (un peintre et une comédienne) beaux, riches, intelligents, sensibles, suintant le new age et faisant mieux l’amour que la plupart d’entre nous sont en effet aussi détestables qu’attachants ; deux figures de l’ego qui nous ressemblent forcément, mais que l’on peut facilement juger. Ferrara ne s’en prive d’ailleurs pas, et les ridiculise parfois en leur faisant endosser le rôle de bons samaritains de la dernière heure, ou encore en les baptisant de noms plutôt ridicules – « Skye » rappelle leur usage intensif de Skype, « Cisco » évoquant le nom d’une célèbre société informatique américaine. Chez eux les écrans sont partout – ordinateur, tablette tactile, télévision, téléphone, interphone vidéo – et occupent une place de choix dans le film, soulignant l’absurdité de notre temps, l’importance qu’on accorde au virtuel au détriment du « réel » ; Cisco (magnétique Willem Dafoe) et Skye (féline Shanyn Leigh) sont sans cesse connectés pour communiquer, mais ne connaissent même pas le prénom du livreur auquel ils commandent de la nourriture depuis des années. Un détail certes, qui en dit pourtant long sur nos habitudes.

Ainsi, ces deux êtres vont mourir et le savent. En attendant ils s’agitent, paniquent, s’aiment, contactent une dernière fois leurs proches, regardent des bulletins d’information (forcément) catastrophistes ou des émissions religieuses. Difficile de ne pas voir en eux une nouvelle incarnation d’Adam et Eve – à ceci près que la pomme est croquée dès le début lors d’une scène de sexe de plusieurs minutes –, tant le film est gorgé de références religieuses, mystiques et ésotériques. Ici la pomme serait plutôt symbolisée par une dose d’héroïne. Des thèmes qui travaillent Ferrara depuis un moment (rappelez-vous Bad Lieutenant), dont il sature ce ‘4h44’. Et bizarrement, ce qui aurait pu être indigeste passe bien ici, sous couvert du propre mysticisme de pacotille de ce couple. Calendrier Vishnu, statue de bouddha et ses offrandes, ouroboros peint par Skye… un melting pot faisant écho à la réalisation, qui utilise le collage et la juxtaposition d’images comme éléments de base pour recréer le/un monde à l’intérieur du film. Alors non, Abel Ferrara ne fait pas encore du Terrence Malick, mais dans l’idée il n’en est plus si loin. Et ses maladresses deviennent même touchantes. Quant à aller voir ce film au cinéma… qui vivra, etc.

Écrit par
Nicolas Hecht

Détails de la sortie

  • Durée:85 mins
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