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Beira-Mar ou l'âge des premières fois

  • Cinéma
Beira-Mar
© DR
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Time Out dit

Une ‘Vie d’Adèle’ au masculin, prenant pour décor le bord de mer, qui reste désespérément en surface.

Si ‘Beira-Mar’ était une étendue d’eau salée, ce serait la Méditerranée, sans vagues ni remous, d’une platitude exceptionnelle. Tout y est très lent. Les dialogues sont sans reliefs ou monosyllabiques. Et l’histoire, celle de deux adolescents (Tomaz et Martin) se cherchant aux niveaux existentiel comme sexuel, se voit traitée de manière décousue et avec un manque criant d’originalité. Le thème, maintes et maintes fois repris au point d’en être éculé, méritait pourtant d'être secoué. Mais non. La seule chose qui bouge véritablement dans ‘Beira-Mar’, ce sont les plans. Tournés caméra à l’épaule, ils tanguent tellement qu’on en a le mal de mer. Une nausée accentuée par une mise au point jamais vraiment faite, aucune séquence n’étant totalement nette. Un flou qui se voulait sans doute artistique mais qui se révèle, à la longue, profondément désagréable visuellement.

Ainsi, sur l’aspect technique comme scénaristique, on a l’impression d’être face à deux jeunes réalisateurs brésiliens – Marcio Reolon et Filipe Matzembacher – qui, pour leur premier film, tentent un peu tout mais s’éparpillent tant et si bien qu’au final, ils ne réussissent rien. Eux qui n’ont pourtant qu’une petite trentaine enchaînent maladroitement les clichés sur la jeunesse, semble-t-il uniquement bonne à se saouler, à zoner sur un canapé et à courageusement envoyer valser la figure parentale (ici le père) par message téléphonique. Montrer une autre image du Brésil que celle des carnavals et de la samba partait toutefois d’une honnête intention. De même qu’aborder l’homosexualité au pays des cariocas, champion des crimes à caractère homophobe. Mais, évoqué sans finesse ni suggestion, le propos originellement louable est ici desservi. En témoigne ce moment très embarrassant où les garçons, en train d’appuyer convulsivement sur leur manette de jeu vidéo, sont cadrés de telle sorte qu’on a l’impression qu’ils s’adonnent à un onanisme frénétique. Pourquoi faire cela ? Mystère.
D’ailleurs, on passe la majeure partie de cette heure et demie (qui paraît durer le double) à se demander quel message ont bien voulu faire passer Marcio Reolon et Filipe Matzembacher. Les cheveux teints en bleu de Tomaz, par exemple, ne sont pas une référence à ‘La Vie d’Adèle’, assurent mordicus les deux réalisateurs, mais au drapeau azur que l’on plante sur les plages quand un enfant est perdu. Or, dans ‘Beira-Mar’, le plus perdu des deux jeunes hommes n’est pas Tomaz (lui sait très bien ce qu’il veut, il veut coucher avec son meilleur ami) mais Martin, aussi déboussolé que le spectateur au moment de la scène finale. En somme, il y a tellement d’incohérences qu’on peine à croire que le résultat délivré est abouti. Et surtout qu’il a mis autant de temps à se réaliser.

Pour conclure, Marcio Reolon et Filipe Matzembacher ont bel et bien respecté leur volonté de retracer sur pellicule leurs souvenirs de jeunesse communs. A tel point que le spectateur se sent dans la position gênante d’écouter une conversation elliptique dans laquelle il ne peut s’impliquer parce qu’elle l’exclut totalement. Heureusement que Mauricio José Barcellos (alias Tomaz) permet de relever un peu le niveau général de l’ensemble avec sa prestation sincère et désintéressée. Lui, le seul à ne pas être professionnel de base car recruté sur les réseaux sociaux, apparaît donc comme le plus qualifié dans ce naufrage en bande organisée.   

Écrit par
Clotilde Gaillard
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