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Casse

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Casse (2014)
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Belle surprise, ce documentaire de Nadège Trebal aurait sans doute pu s’appeler ‘Holy Motors’. Ou ‘Crash’. Ou ‘L’Argent’. Ceci dit, ‘Casse’ reste un titre évocateur qui correspond habilement à la polysémie du film : où il est autant question de casse sociale que de casse automobile. Dans l’étendue grisâtre d’un cimetière de bagnoles au sud de l’aéroport d’Orly, des hommes, venus d’horizon divers, démembrent avec méthode et patience les rebus motorisés du capitalisme industriel. Inutile de préciser que pour la plupart, cette quête de pièces détachées est simplement une question de survie. Mais surtout, la casse apparaît bientôt comme une métaphore assez maline des rouages et des rapports sociaux de la France contemporaine.

Evitant avec justesse l’écueil du faux naturalisme de la caméra en goguette et des images gigoteuses (trop « typiques » du documentaire), la réalisatrice a la finesse de fixer ses plans rigoureux sur ces corps-à-corps des hommes avec les machines mortes : chirurgiens de la tôle, dépeceurs d’acier agenouillés, courbés, tordus par les structures métalliques. Souvent, la caméra ose même aller jusqu’à une certaine forme de sensualité, douce et respectueuse, vis-à-vis de ces mains, de ces visages, de ces poils de barbes scrutés au plus près des carcasses de voitures.

Enfin, Nadège Trebal, 38 ans et issue de la Fémis, sait véritablement recueillir la parole. Sans misérabilisme ni naïveté, son film fourmille d’histoires à la fois singulières et universelles, où l’on se parle d’amour et de mécanique, d’exil et de rêve. Parfois, le récit prend même une ampleur quasi-mythologique : ainsi lorsqu’un des principaux intervenants, Oumar, raconte son voyage de l’Afrique à la France, sur une pirogue clandestine où il se souvient avoir imploré la mort, des ailerons de requins à portée de la main. Politique et ouvert, ‘Casse’ parvient ainsi, peu à peu, à faire jaillir une beauté profondément humaine, humble et digne, au milieu des déchets industriels. Un parti pris simple, pour un résultat d'une puissance inattendue.

Écrit par AP
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