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Martha Marcy May Marlene

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
  1. Martha Marcy May Marlene
  2. Elizabeth Olsen and Sarah Paulson in Martha Marcy May Marlene
    Elizabeth Olsen and Sarah Paulson in Martha Marcy May Marlene
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Ce premier film impressionnant et obsédant pourrait s'intituler 'Le Mystère de Martha Marcy May Marlene' : les questions fusent dès son titre imprononçable et continuent leur chemin bien au-delà du générique de fin.

Le réalisateur Sean Durkin nous plonge dans l'Etat de New York aux côtés de Martha (Elizabeth Olsen), une femme-enfant apeurée fuyant une secte en apparence idyllique, mais en réalité plutôt dangereuse. Ayant réussi à s'échapper, Martha emménage avec sa sœur aînée, Lucy (Sarah Paulson), et son mari, Ted (Hugh Dancy), dans une maison impeccable au bord d'un lac, dans un coin à première vue tout aussi bucolique que celui qu'elle vient de laisser. Passé, présent et futur se mélangent sans arrêt, Durkin brouillant les frontières et multipliant les allées et venues entre le quotidien de Martha à l'époque où elle vivait avec la secte et sa difficulté à s'épanouir sans eux ensuite. Peu à peu, Martha s'engouffre dans un malaise profond, victime d'une paranoïa si grande que tout paraît incertain.

On pourrait s'attendre à un film très mouvementé, mais il y a quelque chose de langoureux et de rêveur dans 'Martha Marcy Marlene May', comme en écho à la passivité de Martha – effet renforcé par le grain et l'aspect calme, pastoral, du film. On retrouve avec elle l’idée que les prétendus fous sont souvent les plus lucides. Par exemple, lorsqu'elle assène placidement son avis sur le mode de vie de sa sœur, et demandant sans la moindre malice : « Est-ce vrai que les couples mariés ne baisent pas ? » Les questions se succèdent alors : « Pourquoi la maison est-elle si grande ? », et lorsque Lucy réagit de manière excessive en voyant sa sœur cadette nager nue dans un lac désert, nous nous demandons, tout comme Martha, en quoi se déshabiller pour piquer une tête constitue une faute grave ? Et au moment où elle assène en criant un terrible « Tu vas être une mère terrible ! », nous ne savons plus si c'est par méchanceté ou par augure, si elle est une peste ou une voyante…

Quoi qu'il en soit, rien de tout ça ne nous distrait de l'horreur de sa vie passée dans la secte, communauté rurale et auto-suffisante dirigée par Patrick (John Hawkes), un hippie charismatique en proie à des troubles de la personnalité (avec des airs de Charles Manson ou de David Koresh jusque dans la coupe de cheveux). Mais Durkin évite de tomber dans le fétichisme et se retient de s'attarder trop longtemps sur les rituels afin de ne pas trop s'égarer de son sujet principal : Martha. C'est dans la secte qu'elle adopte le nom de Marcy May – un choix de Patrick, qui insiste pour que toute personne décrochant le téléphone utilise le prénom Marlene pour brouiller les pistes. Et s’il est évident que Martha, transportée par l'attention de Patrick, atteint une sorte de béatitude laconique au sein de la secte, c'est tout de même au détriment de sa virginité, dérobée lors d'un sommeil forcé.

Le plus intéressant dans cette histoire est ce que suggère Durkin : à savoir que l'on n'a pas besoin de vivre sous le contrôle d'une secte pour devenir prisonnier de son propre esprit. Martha quitte une société coupée du monde pour un autre groupe social isolé, et la vie qu'elle mène auprès de sa sœur semble souvent tout aussi bizarre que restrictive. Nous savons peu de choses des antécédents familiaux de Martha, mais plusieurs indices laissent deviner que la grande vulnérabilité de la jeune fille, associée à un manque de racines solides, est ce qui a d'abord rendu la secte si attrayante pour elle. Et une fois que nous avons dépassé la frustration provoquée par la fin abrupte de ce film prometteur, nous repartons avec le sentiment que, s'il est toujours possible d'échapper à une secte, il reste improbable d'échapper à ce que nous sommes.

Écrit par Dave Calhoun / trad. C. Barbe

Détails de la sortie

  • Date de sortie:vendredi 3 février 2012
  • Durée:101 mins
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