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Sur quel pied danser

  • Cinéma
Sur quel pied danser
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Time Out dit

Une comédie musicale qui se voudrait humaniste mais ne réussit qu'à être manichéenne.

Dans la vie tout est tout noir ou tout blanc, c'est bien connu. Selon la loi de Murphy, les emmerdes volent en escadrille mais ce n'est pas grave puisqu'après viennent les happy ends et leur escorte de bonnes nouvelles. Ainsi, les problèmes accumulés se résolvent tous un par un, comme par magie, dès que le générique final approche. Un vrai Disney, la vie...

Mais évidemment que non, bon sang ! Il faudrait dire à Paul Calori et Kostia Testut que, quand on veut parler de la réalité - surtout si celle-ci touche au sujet aussi délicat que douloureux des petites entreprises menacées par la délocalisation -, il faut un minimum de cohérence dans le traitement. Ou alors on assume l'aspect conte de fées et bisounours jusqu'au bout en y intégrant une bonne dose de second degré.

Au départ, en lisant le pitch de ‘Sur quel pied danser’, c'est d'ailleurs le genre de long métrage que l'on s'attendait à voir - je dirais même que l'on espérait comme un messie cinématographique, tant on n’en peut plus des tire-larmes sociétaux à la Dheepan et compagnie. Lumineuse idée pour nos salles obscures que cette comédie musico-sociale pleine d'employées courageuses se battant pour leur usine de chaussures. Avec, au milieu de la bataille, une jeune stagiaire tiraillée entre l'espoir d'un CDI et une révolte contre le capitalisme asphyxiant les salariés par sa devise « produire plus en dépensant moins ».

Bref, on sentait poindre une fragrance de féminisme, un souffle revigorant de défense de l'artisanat français. Et une réflexion pertinente sur le marché du travail où la génération des 20-30 ans peine à se faire une place pérenne, ballottée de stages en contrats précaires. Malheureusement, dès la première note de la première chanson, on a vite déchanté. Car, d'ambitieux et amusant sur le papier, le projet devient grotesque et foutraque une fois porté à l'écran.

On s'aperçoit en effet bien vite que la lutte des classes vire plutôt à la lutte des sexes, faisant régner sur l'ensemble du film une désagréable atmosphère de sexisme involontaire. Les employés opprimés sont forcément des femmes tandis que les métiers de camionneurs et de dirigeants semblent l'apanage de la gente masculine. Ce schéma stéréotypé dérange et on trépigne d'impatience, pressé de partir, tant certaines scènes nous mettent mal à l'aise. Notamment celle d'un affrontement entre ouvrières et camionneurs, où les premières empêchent les seconds de charger des cartons dans leur véhicule. Un remake du duel genré 'America' de 'West Side Story' qui n'a ni la crédibilité ni le panache de l'original.

De même, l'illogisme de nombreuses situations gêne : non, dix petites mains ne peuvent, même en œuvrant jour et nuit, confectionner seules et sans machines sophistiquées plusieurs milliers de paires de souliers comme le film le prétend. Des souliers d’ailleurs nommés « insoumises », aussi rouges qu'un communiste et aussi plates qu'une limande sole parce que les talons « sont une voie assez cliché […] qui enferme la femme dans un fantasme », justifient les réalisateurs : bonjour les symboles et les raccourcis !

Et, non, de vraies militantes acharnées ne se transforment pas en une bande de groupies décérébrées dès que leur PDG les flatte. Ou alors nous serions encore aux 50 heures par semaine niveau avancées sociales. Tordre la vérité pour la faire correspondre aux désirs du réalisateur, ça va bien cinq minutes. Mais si cette méthode s'impose de manière récurrente, le spectateur a l’impression qu’on le prend pour un idiot capable de gober n'importe quoi.

Enfin, si les musiques - pourtant composées par des artistes de talent tels que Jeanne Cheral, alors que s'est-il passé ? - et les chorégraphies ne sont pas toujours à notre goût, c'est surtout le jeu des acteurs qui déçoit beaucoup. Résultat : on ne croit pas un seul instant à l'intrigue et on ne s'attache pas aux personnages, dont on sait d'ailleurs peu de choses personnelles. Dommage quand on veut faire un film basé sur l'humain. 

Écrit par
Clotilde Gaillard
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