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Tell me lies, version restaurée

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Tell me lies
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Tourné en 1968, à Londres, autour des mouvements d’opposition à la guerre du Viêtnam, ‘Tell me lies’, œuvre-manifeste de Peter Brook, longtemps perdue avant d’être retrouvée et restaurée en 2010, ressurgit aujourd’hui comme un cocktail détonnant, qui ressemblerait fort – pour le dire vite –  à une variation sur ‘La Chinoise’ dans le décor de ‘Blow-Up’. Une résurrection à la fois pop, politique et formaliste.

Ici, la comparaison avec Godard n’est pas gratuite : de la même manière que ‘La Chinoise’, en 1967, prenait le pouls idéologique de la jeunesse française comme un signe avant-coureur de mai 68, ‘Tell me lies’ plonge au cœur des problématiques intellectuelles des jeunes britanniques, dans un London qui défile au moins autant qu’il swingue. D’ailleurs, chacun des deux films, contestataires dans leurs formes autant que dans leurs propos, tend à soumettre le cinéma à une critique ludique et destructrice (« métadiscursive », dirait même quelque universitaire à lunettes), en bouleversant, l’un comme l’autre, le plan le plus idéologiquement discutable du cinéma : sa narration classique.

Sauf que là où JLG, immense artisan du collage, concaténait à tout-va citations et références littéraires – du ‘Petit livre rouge’ de Mao aux ‘Possédés’ de Dostoïevski (via le personnage de Kirilov) –, c’est davantage à travers un jeu sur les genres et formes filmiques que Brook, à la même époque, cherche à interroger la perception du spectateur. Comédie musicale, improvisations, interviews, photographies ou coupures de presse : homme de théâtre, de lettres et de cinéma, Peter Brook fait en effet feu de tout bois pour surprendre son auditoire et le sortir de sa passivité spectatorielle. Aussi ‘Tell me lies’ n’est-il pas un « film militant » au premier degré, mais plutôt une invitation à penser la politique comme prolongement d’une éthique individuelle à débattre ; à la fois, un questionnement de la morale et une morale du questionnement.

Ceci dit, derrière son intelligence des formes, le film possède également un intérêt assez particulier dans le fait qu’il s’adresse à nous à travers le temps, qu’il n’est plus le brûlot pour lequel il pouvait passer à l’époque et y gagne une étonnante forme de réflexivité. A distance, d’étranges similitudes surgissent en effet avec l’époque contemporaine, à commencer par le constat irrémédiable d’un profond divorce entre l’opinion populaire et le personnel politique censé y répondre – où l’autisme gouvernemental se trouve extrêmement bien exprimé par quelques simples minutes de discussion.

Intelligent et léger, souvent habilement cynique ou provocateur, contestataire sans sombrer dans la simplification, ‘Tell me lies’ profite d’une mise en scène brillante et drôle. Qui bouscule avec pertinence le théâtre de marionnettes de la politique politicienne. Engagé et engageant.

Écrit par Alexandre Prouvèze

Détails de la sortie

  • Durée:108 mins

Crédits

  • Réalisateur:Peter Brook
  • Scénariste:Peter Brook
  • Acteurs:
    • Mark Jones
    • Pauline Munro
    • Eric Allan
    • Robert Langdon Lloyd
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